Auteur/autrice : N12

  • Quelques horreurs qui se passent à l’autre bout du monde
    Des gouttes de goudrons tombée devant notre pallier
    Les murs ont l’air encore solide, pas besoin de s’affoler
    Mais on voit déjà l’incendie pointer le bout de son nez

    Des paroles ça et là
    quatre vingt ans, c’est vieux pour retomber en enfance
    C’est si facile de retomber en violence

    Le monde ne tiendra pas debout très longtemps
    Il faut chercher quelqu’un à haïr
    Il faut accorder les violences
    Donner des harmonies
    Quel sang va couler
    Et déjà on commence à regarder
    Qui sera sacrifié
    On parle des lendemains qui chanteront
    Et de la victoire au bout du tunnel
    qui s’approche.

    Mais on imagine toujours qu’on sera de l’autre côté
    A regarder l’horreur traversée
    Chaque squelette était une personne en espoir
    En espoir ou en lâcheté ?

    Les voilà qui cirent les bottes
    Les voilà qui commentent les rafles
    En se demandant s’ils ont tort ou raison.

    Tandis que le monde brûle
    Certains s’attachent à la sémantique
    Les autres se demandent ce qu’il faudra briser
    Pour réussir à passer de l’autre côté
    Le tunnel ressemble à un trou de souris
    Couvert d’une poix noirâtre
    D’une toile de fascisme insondable
    Ohhhh le vilain mot que voilà
    Mais si on l’oublie
    Qu’est-ce qu’on aime ce qu’il veut dire

    Et le monde avance, hypocrite à son propre regard
    Les troopers se croient dans la résistance.

  • Demeure

    La gare a ceci de magnifique qu’elle est en constant mouvement. On s’y installe, on écoute. C’est la course de chacun. Pour arriver à temps. Pour avoir le temps d’accueillir. Pour avoir le temps de se séparer. Les larmes elles-mêmes sont fragiles, bien souvent étouffées par le peu de temps disponible. Les sourires eux, s’étendent, certes, mais déjà ils ne sont plus sur les quais.

    C’est là qu’on lit avec Joachim. On s’est installé comme des gamins, au bout du quai, là où les trains passent à vingt centimètres de toi devant et dix derrière. Là où faut pas allonger les jambes. Là où le frisson fait trembler. En général, on y reste une trentaine de minutes avant qu’un employé ne vienne nous déloger. « Zavez rien à faire là ! » Parfois c’est la sécurité de la gare qui le fait à leur place. On ne les emmerde pas. Mais on revient. Petit à petit. Y en a certains qui nous connaissent. Y en a même un, un vieux type au regard gris, qui nous regarde de loin, nous fait un signe de la main, et continue son chemin, sans nous emmerder plus que ça.

    Au final, on est loin de tout ce bordel dont je parlais tout à l’heure. Les retrouvailles et les séparations, elles ont lieu sur le vrai quai, pas sur ce petit coin atrophié, inutile, où personne ne vient. Et pourtant, on les entend jusqu’ici. Chaque sanglot, chaque bonjour, même le froufrou des vêtements quand deux amis ou deux amant se prennent dans les bras. On a beau être loin, on les voit, celle-là qui coure derrière le train pour garder l’autre des yeux, celui-ci qui reste prostrée sur le quai, fume une cigarette en tremblant, et hésite à sauter. On est là. On les voit tous. Pourtant on ne bouge pas.

    On a nos livres. Un, deux ou trois. Généralement des livres courts. L’étrange cas du Dr Jekyll & Mister Hide ; Jours sans faim. Ce genre de choses. De quoi passer quelques heures sans bouger, dans le froid, tout en parlant ensemble. Qu’est-ce que t’en penses ? Prends moi dans tes bras ; J’ai mal. Ça fait du bien. Regarde, il a perdu son chapeau.

    Ce sont des moments d’éternités, ces moments-là. On se demande toujours ce qui fait qu’on n’a jamais sauté ? Est-ce qu’on sera là dans quarante ans ? Peu probable. On l’a fait deux fois à vrai dire. Rien ne dit qu’il y en aura une troisième. Mais on aime l’idée de se bercer de cette illusion. On aime croire qu’on est là et qu’on y sera à nouveau. On aime croire que rien ne changera, que ce sera une ancre, dans le déferlement. Comme dans ces séries télés où des personnes gardent les mêmes amies trois, quatre, cinq, six ans durant. Le temps passe, encore et encore, mais nous on demeure.

    Quelle ineptie. En réalité, les gens arrivent, se posent et repartent. En quelques heures sur un­ quai, on voit le même manège, mais il n’a rien à voir. C’est un ronron constant de l’humanité. En réalité, nous passons. Seul le temps demeure.

  • burnthemall III


    Il pleut. Une pluie froide, rêche, brutale. Une pluie de rasoirs qui passe sur la ville, et déchire les immeubles.

  • burnthemall II

    Regardez les

    Regardez les danser et chanter

    On n’est pas assez nombreux pour exister

    Release the kraken

    imagine l’impossible.

    Des milliers de tentacules

    dans un Yggdrasil en pleine expansion

    brûlé dans l’infini

    Qui parle de réalité

    et relie des imaginaires.

    Mille mondes

    mille vécus

    Mille incidible

    Mettre l’invincible

    dans la petite case

    mordue

    meurtrie

    brisée

    Tu ne regardes pas

    tu parles d’imaginaire

    tu penses le réel

    tu ne tiens plus debout

    Regarde moi

    J’arrive

    encore et encore.

    Je suis la marée

    tu es le château de sable désormais.

    Regarde moi

    te tuer.

  • Burnthemall I

    Il y a des monstres dans leur lit.

    Ils ont passé des années à s’essoufler

    à s’étonner

    à se malmener

    Où en sommes-nous

    si rien n’est fait ?
    Chaque chemin

    mène à l’identité.

    Chaque regard

    mène à l’aménité.

    Et toi, que feras-tu de ces années mourantes ?
    Quand on les regarde, est-ce qu’on peut ne pas les aimer ?

    Il y a dans la fin

    une splendeur qui ne se comprend

    que par ceux qui casse et recasse

    leurs pensées

    Leurs certitudes

    Leurs idées.

  • Dis moi tout

    Le silence de ces adieux

    les regards qui s’enfuient

    vers le merveilleux.

    Est-ce qu’on est seul

    si rien ne peut se tenir entre nous et le reste du monde

    est-ce qu’on peut briser les rituels

    des anciens et des amis ?

    On peut se laisser choisir

    un corps et une âme

    et des rêves brisés, est-ce que ça n’est pas plus beau encore

    de jouer au puzzle avec les buts et les idéaux ?

    Adieu à ce morceau de coeur

    adieu à ce monceau d’amour.


    Calé au milieu des géants

    sur des épaules en glaise

    et des petites machines

    qui nous portent et nous emportent

    est-ce qu’on peut seulement les aimer

    les détester

    leur donner plus ou moins

    que ce que nos pensées

    savent créer.

    Dis moi tout.

  • Victoire

    Le groupe approchait lentement de la crête. Dans le ciel, des milliers de vaisseaux se mêlaient les uns aux autres dans un manège rouge et bruns d’explosions retentissantes. Au sol, on pouvait voir les fusées monter dans le ciel de chaque crête, chaque grotte, chaque petit recoin, comme si mille fusées décollaient de concert. La troupe d’une centaine de soldats avançaient rapidement, glissant au dessus du sol, leurs pieds caressant les rocs. Leurs ailes battaient l’aile silencieusement. Takeli regarda la commandante, dont le visage était encore humain. Elle seule avait le droit de lancer l’assaut. Ceux en face savaient les sentir quand ils prenaient leur apparence finale. Il fallait que cela arrive au dernier moment. Au-dessus d’eux, séparé par une falaise de plusieurs centaines de mètres, plusieurs centaines de canons propulsaient des missiles vers le ciel à une cadence infernale. Il avisa une sentinelle et laissa son corps se réduire à celui d’une chauve-souris avant de fondre sur elle.

    Au moment où il l’atteignait, il reprit forme humaine, et planta ses crocs dans la gorge de l’animal en bloquant ses deux pores sonores de ses mains. En quelques secondes, l’autre s’effondra, asséché. Il laissa remonter ses crocs, et fit réapparaître ses ailes. L’action n’avait duré que quelques secondes. Déjà, le reste du groupe le dépassait. Un vaisseau chuta à quelques mètres de lui, projetant des rochers embrasés dans tous les sens. Il les esquiva sans difficulté et rejoignit le bout de la troupe. Au-loin, la commandante commençait à changer. Ses jambes s’allongèrent. Son visage se scinda en deux, tandis que deux tentacules perçaient le long de son torse et dans son dos. Ses ailes grandirent, et de larges griffes apparurent tout autour d’elle. Une alarme retentit au sein de la montagne. D’un saut, elle se précipita en haut tandis que tous la suivaient. Des chiens, des chats, des hybrides de salamandres, poulpes et vélociraptor, des aigles et des tigres, tous ailés, dentées, à multiples mâchoires, multiples griffes, et même un poulpe à ailes démesurées qui laissa un cratère à son atterrissage sur le plateau. Takeli lui-même avait changé. Quatre pattes couvertes d’épines avaient poussées sur son torse et jusqu’à ses épaules, tandis que sa gueule s’étaient couvertes de deux larges rangées de dents. Il regarda les poulpes et les buffles creuser des trous dans les bunkers, et se jeta à l’intérieur, tranchant tout ce qui se trouvait à sa portée. En cinq minutes, la batterie toute entière avait cessé de fonctionner.

    Il remonta à la surface après avoir reniflé chaque recoin en quête d’une porte cachée ou d’un semblant de vie. Son corps était poisseux. Il s’ébroua en regardant vers le ciel. Il était facile de voir que les bombardiers de l’Alliance prenait l’avantage. Une pluie de sang tombait sur le sol tandis que les vaisseaux ennemis tombaient un à un dans le ciel. Takeli s’approcha de sa commandante. Un bombardier se détacha du reste de la flotte et avança vers eux. Ils reprirent lentement leur forme et se remirent en rang. Takeli regarda le bombardier ouvrir sa soute pour préparer le largage des bombes. Il hésita mais garda son apparence entièrement humaine. La commandante laissa ses ailes déployées en tendant une fusée de détresse vers le ciel pour pointer leurs positions. Les bombes tombèrent quelques secondes plus tard tandis que les derniers vaisseaux organiques s’écrasaient sur le sol. La victoire était totale.

  • Illusions

    Il pleure

    il tombe

    des mains immondes

    il s’étrangle il se tire

    des boulettes de saphir

    on se tient par des mots

    on s’étrangle de maux

    on tâtonne on expérimente

    pour tenir sur la pente

    glisse, glisse, glisse

    petite boule de pétanque

    tangue, tangue, tangue

    mât d’une idée exsangue

    on n’a pas le temps de se croire géant

    on n’a pas l’esprit de voir les mercis

    on n’a pas le droit de plaquer l’espoir

    pour se laisser croire

    l’histoire de nos rois

    mais voilà

    encore

    le même mot

    qui devient un rythme

    au milieu des rots

    qui devient refrain

    dans un chant incertain

    un épis de blé

    en pleine forêt

    un épi d’écrin

    qui brise le regard

    alors quoi ? Alors quand ?

    On se dit peut-être tout le temps

    Alors qui ? Alors pourquoi ?

    On a perdu le cri des rois

    on a perdu assez de temps

    on a perdu tellement d’enfant

    On a brisé des chaînes

    des vitraux

    des haines

    pour voir les ruines

    se reconstruire toute seule

    Mais on se tient l’âme

    à force de se croire un drame

    On se tient à force d’illusion

    on tiendra encore demain

    pour être un peu plus con.

  • bombardement

    Les bombes tombent.

    Comme des larmes brûlantes sur la ville. Des billes qui éclatent en sanglots rouges et bruns. Les cris se font entendre. Des mondes entiers qui s’effondrent. Des regards vidés qui s’envolent vers le ciel.

    C’est un bout de serpent qui s’étale le long d’un corps déchiré, une lueur diaphane qui s’enfuit d’un visage. Le monde entier s’éteint dans un brusque incendie de murmures et de pensées.

    Des caresses glissent dans ce brouillard de vies. Comme une pluie d’âmes filant vers le ciel, montant, goutte à goutte, s’étirant, se brisant, tourbillonnant dans le vent.

    Les mains se retiennent un instant, s’affaissent. Des poignets jaillissent des souvenirs qui filent vers le soleil.

    Au loin, la ville hurle encore.

    Les avions roulent sur les nuages.

    Et des fumées blanches, visqueuses, brûlantes

    les poursuivent.

  • dire

    Les temps se tiennent prêt

    il y a des perles

    il y a des démons

    il y a des terres inexplorées

    des mains qui se tendent

    voilà le manoir où tu as grandi

    il est délabré

    un appartement déchiqueté

    par le temps

    rapetissé comme un vêtement trop lavé

    les grenades ne tiennent pas toujours ensemble

    faut se faire à l’idée

    de ne manger que des idées noires

    le soleil levant

    ne tient pas en place

    les idées roulent et grandissent

    faut se vider pour tenir le choc

    voilà le coup

    tiens, encore une petite fois

    rien qu’une dezrnière

    fais moi mal

    emporte moi

    j’ai l&éa main tendue

    et le regard sec

    avide

    cupide

    les yeux ensanglantés

    et les mains

    qui ne tiennent pas en place

    Laisse toi aller

    creuse les tombeaux

    il y a des morts qui viendront t’embréasser

    tu sauras quoi leur dire ?